IEER | Énergie et Sécurité No. 30


Conclusions et recommandations
de l’étude « Les moissons des fermes éoliennes »


Principaux résultats

  1. La production d’électricité éolienne dans des sites favorables et par de grandes fermes éoliennes est maintenant rentable. Une utilisation beaucoup plus importante de l’électricité éolienne n’entraînerait pas une augmentation de la facture des consommateurs, même sans l’octroi d’un crédit d’impôt prenant en compte la réduction de la consommation d’eau et des émissions de gaz à effet de serre.
  2. Les ressources éoliennes des Etats-Unis sont énormes et peuvent s’adapter à une croissance beaucoup plus rapide de l’électricité éolienne. Les Etats-Unis disposent du potentiel physique nécessaire pour assurer une percée économique importante de la production éolienne. Le potentiel éolien de l’ensemble des douze États les plus ventés de la partie continentale des Etats-Unis équivaut à environ deux fois et demie la production électrique totale de ce pays en 2003.
  3. Un mandat politique est indispensable pour arriver à une forte intégration de l’énergie éolienne dans des délais raisonnables. Trois régions d’Europe sont déjà parvenues à un taux de pénétration de 27 pour cent de l’énergie éolienne. C’est en partie parce qu’il existe un fort consensus politique et d’orientation en Europe, y compris de la part de l’industrie, sur le fait que la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’accroissement de l’utilisation des énergies renouvelables sont essentiels. Aujourd’hui, certains États jouent un rôle moteur dans le domaine des énergies renouvelables et dans celui de la réduction des émissions de gaz à effet de serre des États-Unis, mais, en l’absence d’un mandat économique et politique, du type du Renewable Portfolio Standard (imposition d’un taux minimum d’énergie issue des renouvelables), le développement de l’éolien dans ce pays restera bien en deça de son potentiel.
  4. L’infrastructure institutionnelle et de transmission est inadaptée au développement de l’éolien à une grande échelle. Le développement de l’énergie éolienne aux Etats-Unis est très loin de son niveau en Europe, principalement parce que l’infrastructure de transport et le consensus économique et politique en faveur de son développement est beaucoup plus fort en Europe qu’aux Etats-Unis.
  5. Les prix de l’éolien dans des Accords d’achat d’électricité (PPA) classiques s’avèrent beaucoup plus faibles que celui qui serait rapporté par la même électricité si elle était vendue au consommateur final. Le prix moyen de l’électricité éolienne se situe dans une fourchette située entre 25 et 30 $ par mégawatt-heure (MWh) dans beaucoup d’Accords d’achat. Toutefois, le prix à payer par le consommateur final, sans augmentation de sa facture d'électricité, pourrait bien être beaucoup plus élevé. En d’autres termes, le prix final implicite de l’éolien (après prise en compte des frais de transport et de distribution et des coûts d’intégration au réseau) est bien plus élevé que celui perçu par les promoteurs éoliens. Cet écart entre prix final et revenus des promoteurs éoliens renforce la nécessité de pratiquer des crédits d’impôt. Si les promoteurs éoliens pouvaient réellement recevoir le prix implicite qui est facturé, le développement de l’éolien s’en trouverait fortement accéléré.
  6. Une importante réduction des émissions de gaz à effet de serre est économiquement réalisable avec des politiques adaptées et des investissements dans l’éolien et l’efficacité énergétique. Dans la mesure où l’éolien n’émet pas de dioxyde de carbone (CO2), et dans la mesure où il est aujourd’hui rentable si des conditions et des politiques adaptées sont mises en place, il en résulte qu’une importante réduction des émissions de CO2 est possible sans augmentation des coûts de l’électricité. C’est ce qui se passe actuellement en Europe. Les crédits pour la réduction des émissions de CO2 ne jouent qu’un rôle assez modeste aux États-Unis.
  7. Les crédits d’impôts à la production au niveau fédéral et de chaque Etat sont essentiels dans les conditions actuelles. En l’absence d’un mandat national ou régional identique et d’infrastructures de transmission ou autres permettant l’intégration de l’éolien, les crédits d’impôt à la production au niveau fédéral et/ou étatique sont essentiels pour poursuivre le développement de l’énergie éolienne.
  8. Pour des prix du gaz naturel atteignant ou dépassant les 5 $ par million de Btu, l’énergie éolienne peut remplacer de manière rentable la production au gaz naturel sur la base du coût marginal évité. Le coût de l’électricité éolienne produite sur des sites favorables, en prévoyant 3 $ par MWh pour l’intégration au réseau électrique, se situe dans une fourchette allant de 38 à environ 45 $ par MWh pour cinq sites que nous avons étudiés au Nouveau Mexique. Le coût marginal évité (c’est-à-dire, en excluant les coûts d’investissements et les autres coûts fixes) est d’environ 38 à 40 $ par MWh pour les centrales à cycle combiné. L’éolien représente aussi un bénéfice en termes d’économie d’utilisation de l’eau (quelques dollars par MWh) et pour se prémunir contre la volatilité des prix du gaz naturel (également quelques dollars par MWh). L’électricité éolienne peut assurer de façon encore plus rentable le remplacement de l’électricité produite par des centrales à cycle combiné avec post-combustion, ou par des turbines à gaz à un seul étage en période de pointe, dans la mesure où les coûts évités sont respectivement d’environ 50 et 60 $ par MWh dans ces cas.
  9. L’électricité éolienne devrait bénéficier d’un certain crédit au niveau de la capacité et pas seulement pour la production électrique. Le vent n’est pas complètement imprévisible. Il peut être estimé, avec une certaine marge d’erreur, une heure ou un jour à l’avance, ou en fonction des variations saisonnières. Des analyses statistiques peuvent être utilisées pour établir un calendrier de la disponibilité de la capacité éolienne du réseau. La marge d’erreur, et donc les coûts, peuvent être réduits (a) en améliorant les prévisions, (b) en intégrant dans le même réseau diverses sources d’énergie éolienne séparées par de grandes distances, (c) par des aménagements des infrastructures de transport et de l’intégration au réseau électrique. Il est possible d’obtenir un crédit de capacité plus élevé pour un niveau de coût et de fiabilité donné, par la programmation d’une nouvelle capacité éolienne visant à réduire l’utilisation du gaz naturel pour la production électrique.
  10. Les conditions économiques de l’éolien seraient améliorées si les promoteurs obtenaient un crédit de capacité raisonnable. Dans les exemples que nous avons étudiés, les crédits de capacité pour l’éolien pourraient s’élever à 2 ou 3 $ par MWh, ce qui représente une proportion significative de l’écart séparant le prix dans un accord d’achat et le coût de l’éolien (différence actuellement comblée par les crédits d’impôts).
  11. L’électricité éolienne peut être utilisée (indirectement) pour libérer une quantité de gaz naturel pour les véhicules. Des pompes à chaleur « sol », des systèmes combinés à chaleur et électricité et l’énergie éolienne peuvent se conjuguer pour remplacer le gaz naturel pour l’eau chaude sanitaire et le chauffage des bâtiments. Ce gaz naturel peut alors être utilisé sous forme compressée dans des véhicules pour remplacer l’essence et réduire les importations de pétrole. Cette formule entraînerait d’importantes réductions des émissions de CO2 pour les bâtiments comme pour les automobiles, et diminuerait la pollution de l’air en ville.
  12. L’intégration de piles à combustible dans le mix des énergies renouvelables suppose des améliorations de l’efficacité de la production d’hydrogène et des piles à combustible, ainsi qu’une réduction du coût de ces dernières. L’intégration de la production d’hydrogène et de piles à combustible dans le système électrique, dans le cadre d’une stratégie de développement des énergies renouvelables, peut permettre d’augmenter le crédit de capacité pour l’éolien. Elle n’est toutefois pas rentable actuellement du fait du prix élevé des piles à combustible et de la faible efficacité globale de la conversion de l’électricité éolienne en hydrogène et en électricité dans les piles à combustible.

Recommandations

  1. L’Association des Gouverneurs de l’Ouest (WGA) devrait formellement adopter un objectif de 20 % d’énergies renouvelables dans l’approvisionnement électrique de la région. Étant donné que l’éolien est à la fois abondant et, dans des situations adaptées, rentable, la décision de produire 20 pour cent de l’électricité de la région à partir des renouvelables, en mettant l’accent sur la pénétration de l’énergie éolienne, est extrêmement souhaitable pour les raisons évoquées dans les conclusions de l’étude. Chaque État devrait, bien sûr, définir ses propres règles pour mettre en œuvre et parvenir à un bouquet d’énergies renouvelables (Renewable Portfolio Standard) de 20 pour cent. La WGA devrait pousser l’Association nationale des gouverneurs et le gouvernement fédéral à adopter le même bouquet d’énergies renouvelables.
  2. Le développement de l’éolien devrait être intégré à une programmation de la réduction de la volatilité des prix du gaz naturel. Puisque les coûts de l’électricité éolienne dans des sites favorables sont souvent inférieurs aux coûts évités pour le gaz naturel aux prix actuels, les autorités de régulation et les opérateurs de réseau indépendants devraient étudier les bénéfices de l’utilisation de l’électricité éolienne pour remplacer l’utilisation des turbines à un seul étage utilisées en période de pointe, tout en conservant certaines de ces unités en réserve dans le cadre d’une approche globale pour assurer une pénétration importante de l’énergie éolienne à des coûts modestes. Le cadre réglementaire d’une telle intégration reste à créer.
  3. La WGA devrait étudier une intégration de l’éolien à grande échelle dans toute la région. Un comité devrait être mis en place pour envisager les impératifs techniques et économiques d’un développement éolien à grande échelle dans la région du réseau Western Interconnect. Cette étude porterait sur la diversité de l’approvisionnement et de la demande, le coût et le financement des lignes de transport régionales, l’amélioration des capacités de prévision météorologique existantes, les avantages économiques en termes d’économie d’eau, de création de mécanismes de financement pour l’infrastructure, d’intégration du développement éolien avec la réduction de l’utilisation du gaz naturel, et de politiques qui amèneraient à une internalisation des coûts pour les émissions de CO2 et l’utilisation d’eau.
  4. De nouvelles règles sont nécessaires pour assurer un accès équitable aux consommateurs finaux. Dans les États où l’électricité est réglementée, les règles permettant aux compagnies électriques de couvrir des coûts raisonnables (y compris le retour sur investissement) peuvent être créées dans le cadre de la mise en œuvre d’un Bouquet d’énergies renouvelables. Nous estimons que si l’éolien est développé dans des sites adaptés, ceci ne devrait pas affecter de façon significative le coût final de l’électricité pour les consommateurs.
  5. Une internalisation harmonisée des coûts de l’eau et des émissions de gaz à effet de serre devrait être entreprise dans l’ensemble des régions. Une démarche d’internalisation des coûts des émissions de CO2 et de l’utilisation d’eau par les centrales thermiques permettrait une accélération considérable du développement de l’éolien. Le prix de l’électricité éolienne dans un Contrat d’achat typique pourrait, de ce fait, être augmenté d’environ 5 $ par MWh
  6. Le Nouveau Mexique devrait lancer un projet de démonstration combinant éolien, piles à combustible, photovoltaïque, efficacité énergétique et utilisation du gaz naturel compressé dans les véhicules à moteur. La combinaison de ces mesures offre de grandes possibilités de bénéfices tant au niveau de l’environnement que de la sécurité, mais n’est pas rentable aujourd’hui. Un projet de démonstration, prévoyant l’examen minutieux des avantages et des coûts, serait extrêmement précieux pour l’évaluation des perspectives et des difficultés sur le chemin d’un avenir énergétique basé sur les renouvelables dans lequel l’hydrogène, le gaz naturel et les renouvelables sont les principales sources d’énergie, alors que l’utilisation du pétrole est considérablement réduite. Bien que nous n’ayons pas étudié cette question, il peut s’avérer souhaitable d’intégrer une part d’utilisation directe d’électricité photovoltaïque dans un tel projet de démonstration, pour évaluer la réduction des pointes de charge sur le réseau et une augmentation du crédit de capacité pour l’éolien. Le Nouveau Mexique est bien placé pour jouer un rôle moteur dans un tel projet au sein de la WGA et aussi de l’ensemble du pays, dans la mesure où il dispose d’excellents moyens scientifiques et techniques à travers des laboratoires nationaux et la NASA (à White Sands). Le gouvernement de son État s’est par ailleurs résolument engagé dans une politique de soutien aux renouvelables et a déjà mis en place une bonne partie de l’infrastructure légale requise.

La totalité du rapport et la présentation, Cash Crop on the Wind Farm (Les moissons des fermes éoliennes), sont en ligne sur http://www.ieer.org/reports/wind/cashcrop/

Les fonds qui ont permis la recherche et la production du rapport Cash Crop on the Wind Farm ont été généreusement fournis par la Livingry Foundation, la New Cycle Foundation, l’Energy Foundation et la McCune Charitable Foundation.


Voir aussi :


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(La version anglaise de ce numéro, Science for Democratic Action v. 12, no. 4, a été publiée en octobre 2004.)

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