IEER | Énergie et Sécurité No. 24


La Corée du Nord, les Etats-Unis et la non-prolifération


En 1985, la Corée du Nord a ratifié le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) en tant qu'Etat non-détenteur d'armes nucléaires. Selon les termes du TNP, il était interdit à la Corée du Nord de fabriquer ou d'acquérir des armes nucléaires ou d'autres engins nucléaires explosifs, et celle-ci devait accepter les garanties définies dans un accord avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), visant à empêcher tout détournement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire au profit d'armes nucléaires ou d'autres engins explosifs nucléaires.

La Corée du Nord a passé un accord de garanties en 1992. Les inspections effectuées ultérieurement par l'AIEA ont laissé supposer que la Corée du Nord n'avait pas procédé à une déclaration complète des barres de combustibles contenant du plutonium qui avaient été retirées du réacteur modéré par graphite.

Au début des années 1990, la Corée du Nord a achevé la construction d'une nouvelle chaîne de retraitement capable de séparer le plutonium, renforçant par là même les inquiétudes de l'AIEA. La quantité totale retirée du réacteur à la fin des années 1980 en dehors des garanties peut contenir assez de plutonium pour une ou deux bombes atomiques mais, à ce jour, aucune information ne permet de confirmer (1) si le plutonium a été séparé, (2) si la quantité de plutonium séparée est suffisante pour fabriquer une arme nucléaire et (3) si une ou plusieurs armes nucléaires ont effectivement été fabriquées.

En 1993, la Corée du Nord a refusé à l'AIEA l'autorisation d'inspecter ses installations nucléaires et, en mars 1993, a annoncé son retrait du TNP. Les Etats-Unis et la Corée du Nord ont entamé des négociations au plus haut niveau et sont arrivés à un accord préliminaire dès juin 1993. La Corée du Nord a suspendu son retrait et les inspections ont repris. Une nouvelle rupture est intervenue en 1994, quand la Corée du Nord a refusé d'autoriser des inspecteurs à enquêter sur certaines installations nucléaires. Les pourparlers avec les Etats-Unis se sont poursuivis et ont abouti finalement en 1994 à un Accord Cadre.

La récente tournure des événements a soulevé la question de savoir ce que les Etats-Unis peuvent faire pour garantir que la Corée du Nord se conforme à ses obligations. La question relative au respect par les Etats-Unis de ses propres obligations revêt la même importance, à la fois en ce qui concerne les aspects spécifiques de la situation coréenne et pour le maintien de l'applicabilité du TNP.

Pour des informations plus complètes sur la Corée du Nord, les Etats-Unis et la non-prolifération, voir "Compliance Assessment of North Korean and the U.S. Obligations under the Nonproliferation Treaty and 1994 Agreed Framework" (en anglais), sur le site Internet de l'IEER : www.ieer.org/reports/treaties/nkorea.html.

Chronologie

1980-1987 : La Corée du Nord construit un réacteur nucléaire, refroidi par gaz et modéré par graphite, officiellement pour la production électrique, mais qui peut fournir un maximum théorique de 15 kilogrammes de plutonium tous les deux ans - ce qui correspond environ à trois bombes atomiques.

1985: La Corée du Nord ratifie le TNP.

1989: La Corée du Nord retire des barres de combustible du réacteur. Elle peut disposer d'une quantité de plutonium pouvant représenter l'équivalent d'une ou deux bombes atomiques après retraitement de ces barres de combustible.

1992: Les inspections de l'AIEA commencent et les déclarations nord-coréennes s'avèrent fausses.

Début des années 1990 : La Corée du Nord acquiert une capacité de retraitement, c'est-à-dire la possibilité d'extraire du plutonium à partir des combustibles irradiés.

1993: La Corée du Nord menace de se retirer du TNP. En juin, les Etats-Unis et la Corée du Nord signent un accord de principe qui est formalisé en 1994. La Corée du Nord ne se retire pas du traité.

1994: Signature de l'accord-cadre. La Corée du Nord met le réacteur à l'arrêt et suspend la construction des deux autres réacteurs.

Deuxième moitié des années 1990 : La Corée du Nord commence à acquérir une capacité de fabrication de centrifugeuses pour l'enrichissement de l'uranium. Les Etats-Unis apportent une assistance mais la normalisation du commerce et les garanties de sécurité ne se concrétisent pas.

1998: La Corée du Nord procède à un essai de missile à moyenne portée.

Fin des années 1990 : La construction du réacteur nucléaire est au point mort. Nouveaux différends avec les Etats-Unis.

1999: La Corée du Nord accepte de suspendre ses essais de missiles.

Décembre 2001 : La Revue de la posture nucléaire américaine désigne la Corée du Nord comme une cible possible, en violation de l'Accord Cadre.

Janvier 2002 : Le Président Bush mentionne la Corée du Nord parmi les trois pays de « l'axe du mal ».

Fin 2002 - début 2003 : Révélations sur les tentatives de la Corée du Nord pour enrichir de l'uranium, avec une coopération possible du Pakistan. Les Etats-Unis suspendent les livraisons de pétrole et annoncent que l'Accord cadre doit être reconsidéré. La Corée du Nord indique son intention de redémarrer ses réacteurs, renvoie les inspecteurs de l'AIEA et retire les caméras de surveillance, annonce son retrait immédiat du TNP et menace d'une guerre au cas où les Nations unies ou les Etats-Unis imposeraient des sanctions.


Extrait du document d'information "Compliance Assessment of North Korean and the U.S. Obligations under the Nonproliferation Treaty and 1994 Agreed Framework" par Nicole Deller, Arjun Makhijani et John Burroughs (24 janvier 2003). En ligne sur www.ieer.org/reports/treaties/nkorea.html


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Énergie et Sécurité No. 23 & 24 [PDF, 325 kB, articles choisis de chaque numéro]
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(La version anglaise de ce numéro, Science for Democratic Action v. 11, no. 2, a été publiée en février 2003.)

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